MÂN MVËLE, un artiste engagé à l'honneur - Mboa BD
Festival International de la bande dessinée du Cameroun
Mboa BD festival, bande dessinée, afrique, Cameroun
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MÂN MVËLE, un artiste engagé à l’honneur

Né au Cameroun le 20 Août 1986 plus précisément à Yaoundé, de père et de mère Bassa’a, Hugues Bertrand BIBOUM aka MÂN MVËLE est un artiste illustrateur. Il s’exprime à travers des dessins humoristiques et caricaturaux à caractère satirique. Son père, ancien militaire en fonction, était totalement contre cette pratique qui à l’époque est considérée comme sans avenir. Mais aujourd’hui, non seulement Hugues fait de la caricature, mais il a poussé l’outrage au paternel encore plus loin. Il est également graphiste, animateur 2D et auteur de bande dessinée. Son parcours est d’ailleurs détaillé sur notre page car le Mboa BD Festival connait très bien le personnage. Il est un habitué du festival, et un des artistes qui met le plus son stylo au service de la valorisation du 9e Art en Afrique.

Courant de l’année 2022, après conclave du comité d’organisation, la nouvelle tombe. C’est l’artiste MÂN MVËLE qui sera l’auteur à l’honneur de la treizième édition du Mboa BD festival. A cet effet, nous avons rencontré le bédéiste de qui nous avons appris beaucoup, autant sur lui que sur son engagement.

En quels termes parlerai tu de toi même et lesquelles de tes œuvres te représentent-elles le mieux ?

“Je suis un illustrateur, auteur de BD, et à mes moments perdus, directeur artistique à Waanda stoudio. Les œuvres qui me représentent le mieux et que je qualifierai de mes œuvres phares sont: Rio dos camraroes en 2013 par les éditions Balafon qui est aujourd’hui Akoma Mba. Il y’a également le magazine Waka Waka qui n’est plus tiré. Et puis il y’a Djoo Bar édité par Toon Comics que je signe avec Christophe Ngalle Edimo au scénario. Aujourd’hui on peut également me lire sur internet, à travers les sites et applications Webtoon Factory précisément dans le magazine Moabi. J’y signe la Webtoon Kalakuta City toujours en collaboration avec Ngalle Edimo. D’aucuns me connaissent à travers ma web-série Palaba, que je publie sur les réseaux sociaux. D’ailleurs je suis assez présent sur les réseaux sociaux où je publie pas mal d’illustrations quand je suis de bonne humeur”.

Palaba, Web-série de Man Mvele.

Une présence numérique et des publications qui te valent le statut d’auteur engagé. Est-ce le cas?

Je milite pour que les artistes se professionnalisent, et qu’ensemble nous créions les bases d’une industrie de la BD au Cameroun.

MAN MVELE

“Je suis un auteur engagé oui, mais sur deux volets précisément. J’ai deux grands combats que je mène. Le premier concerne la valorisation de l’artiste. La raison en est que le gouvernement de ce pays ne considère pas vraiment les bédéistes comme des artistes. Cela dure depuis de nombreuses années. La bande dessinée est livrée à elle même. Même au niveau de notre statut, on nous englobe nous autres graphistes, aux techniciens que sont les sérigraphes. A cet effet, il y’a plein de mouvements que j’ai voulu créer mais non seulement nous sommes peu, mais certains artistes que j’ai approché ne sont pas très engagés. Je préfère souvent me moquer de cette situation sur les réseaux sociaux. Il y’a par exemple cette loi 1076 par laquelle nous attendions une clarification du statut des artistes. Cette loi, au contraire, vient encore plus nous embrouiller. A cet effet j’avais fait une illustration qui n’avait pas beaucoup plu à l’autre partie quoi, certaines personnalités.”

Illustration de Man Mvele

“Mon deuxième combat concerne notre mentalité même, à nous les artistes Camerounais. Puisque nous sommes dans un environnement qui n’est pas propice à notre bien être, je considère que c’est à l’artiste de se battre pour ses droits. Je milite pour que les artistes se professionnalisent, et qu’ensemble nous créions les bases d’une industrie de la BD au Cameroun. C’est vrai que j’ai des rêves de syndicat, je ne m’en cache pas. J’estime qu’unis nous sommes forts, et isolés nous sommes des proies faciles dans un système qui est conçu pour nous écraser. Je réitère qu’on ne connait même pas notre statut dans notre pays. On a proclamé une loi sur les associations culturelles et artistiques mais il n’y a pas de statut d’artistes. C’est paradoxal, c’est comme si on organisait une association d’inconnus…C’est très bizarre selon moi”.

“Mais pour parler syndicat, il faut que l’on parle travailleurs. Il faudrait donc que certains d’entre nous prennent conscience qu’il s’agit d’un métier, et que grâce à ce métier on peut nourrir sa famille. Un syndicat pourrait nous permettre de créer une mutuelle par laquelle on pourrait s’entraider. Certes il y’ a la CNPS (caisse nationale de prévoyance sociale, ndlr) mais ce serait bénéfique que nous le fassions également entre nous. Pour qu’à la vieillesse, si on a des incapacités de travailler, la mutuelle puisse nous aider.”

Ton combat va au delà des frontières Camerounaises. Quels sont tes rêves pour la BD Africaine ?

“Je suis parti d’un constat simple: l’industrie mondial du graphisme et de la BD est dominé par les Japonais avec le manga, les européens avec la Francobelge, les américains avec le comics et même Disney avec son style O. Et de ce fait, les dessinateurs africains s’en inspirent beaucoup. Or j’ai constaté que quand un dessinateur commence à pratiquer le dessin en s’inspirant de ces modèles, il perd son identité. Il est moins capable de développer un style propre, surtout que certains ne comprennent pas les enjeux de ces grands styles au départ. C’est ainsi que je me dis que nous, Africains, nous pouvons penser même ce que c’est que la forme. En étudiant la théorie allemande de la Gestalt qui s’interroge sur la définition de la forme, je me suis rendu compte que nos ancêtres avaient déjà fait une étude de la forme. Si on regarde seulement les structures IFE du 12e siècle au Nigéria, ils maitrisaient déjà le réalisme. Je ne parle même pas de l’ancienne Egypte”.

“On pourrait donc se réapproprier nos cultures et faire des réflexions esthétiques et philosophiques sur la forme. A ce propos, j’ai remarqué qu’en Afrique, nous avons énormément de théories sur la forme du point de vue de l’abstraction. Or émettre une théorie sur la forme abstraite est super compliqué. L’étude de la forme en Afrique est très spirituelle et vaste. Donc, de mon coté j’ai essayé de limiter mon étude au niveau de l’apparence, du réalisme. J’ai donc décidé de créer un manifeste qui s’appelle KABINDA. Kabinda veut dire le modeleur. J’ai mené une étude comparative iconographique en analysant les autres formes. On se rend compte que tous ces styles qui font du réalisme font du réalisme différemment. Par exemple, le comics s’inspire des canons grecques avec de la stylisation, et beaucoup de fétichisme. Au niveau du mangas, c’est du réalisme mélangé avec de la caricature, des formes féminisées et des personnages assez filiformes etc. Bref, j’ai essayé de voir quels sont les archétypes qu’on peut utiliser pour pouvoir créer une forme en réalisme africain. Après moults analyses et comparaisons j’en suis arrivé au Kabinda, qui n’est pas un style à suivre mais un appel pour qu’on se crée notre propre identité. Je fonde d’ailleurs mon espoir sur la jeune génération.”

Un engagement qui a tapé dans l’œil du comité d’organisation du Mboa BD Festival. Comment vis tu le fait d’être l’artiste à l’honneur de cette édition?

“ça me fait super plaisir parce que c’est le fruit de beaucoup d’années de travail. Je me rappelle quand le Mboa BD festival venait de faire ses début en 2013, tous les artistes que j’admirais étaient présent. J’étais encore un simple étudiant, un simple figurant d’ailleurs. Aujourd’hui, c’est moi l’invité d’honneur, ça me fait voir l’évolution que j’ai connu avec le temps”.

Une dernière chose, pour celles et ceux qui ne le savent pas, que veut donc dire MÂN MVËLE ?

“C’est un ethnonyme que les ewondo donnent aux Bassa et la majorité de mes petites amies étaient ewondo. Mes belles familles m’appelaient toujours ainsi… Certains de mes amis se moquent constamment de moi là dessus. J’ai donc finalement adopté ce nom”. (rires)

C’est sur cette note d’humour (mais véridique) que s’est achevé l’entretien avec cet artiste sympathique qui se bat pour des causes sérieuses mais n’en perd pas son humour pour autant. Venez faire sa rencontre durant le festival, dès le 16 Novembre à Yaoundé. Soyez sur ça !

1 Comment
  • Asler perez

    Le kabindiste

    1 novembre 2022 Répondre

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