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I/ LA DISTRIBUTION DES BANDES DESSINÉES AU CAMEROUN : ETAT DES LIEUX ET ENJEUX.
La bande dessinée, reconnue comme le 9e art est en constante évolution dans le monde. Le public camerounais n’est pas en reste. En effet, il existe une véritable demande en termes de bandes dessinées au niveau local et ce, de la part de toutes les tranches de la population. Que ce soit les jeunes adolescents fascinés par le manga, les jeunes adultes ou encore les moins jeunes qui ont été bercés par la BD franco-belge. Mais où trouve-t-on donc ces bandes dessinées ? se demandera le lecteur attentif.
Public friand, production réduite!
Tout d’abord, il faut relever qu’il existe une bonne quantité d’œuvres au niveau local. Nous ne sommes certes pas encore au niveau exponentiel de parutions tel que c’est le cas ailleurs. Toutefois, il existe de nombreux auteurs et assez de contenu que le public peut d’ores et déjà savourer.
Comme l’a démontré Louise Lutéine BALOCK née NGO KOBHIO (dans Les adolescents et la lecture à Yaoundé : contribution à la mise en œuvre d’une politique de développement de la lecture) il existe un réel intérêt pour les bandes dessinées notamment de la part des adolescents dont 70% ont déclaré en être friands. Malgré cet intérêt existant, le secteur de la bande dessinée au Cameroun continue de faire face à de nombreux écueils. Il s’agit, entre autres, du nombre insuffisant de maisons d’édition spécialisées, de l’insuffisance des circuits de diffusion et de distribution, de l’absence de structures de promotion des BD.
La distribution, un vrai casse-tête chinois
Au Cameroun, les artistes du domaine de la bande dessinée n’ont pas vraiment de visibilité auprès des médias et du public. Or il faudrait qu’elle devienne un segment dynamique du marché du livre afin de pouvoir nourrir son Homme. Au-delà du problème du niveau de vie d’un citoyen camerounais lambda pour qui l’accès à la culture a un certain coût (ceci n’étant pas une spécificité du Cameroun), il est notoire qu’il n’existe pas beaucoup de points de vente sur le territoire national. Cela étant la résultante d’un réseau de distribution quasi inexistant.
La Bande Dessinée produite en Afrique existe en tant que marché, grâce à des collectifs de promotion et de diffusion (physiques et numériques), des projets transnationaux interafricains et africano-européens ; et des évènements mobilisateurs (Angoulême, le FIBDA en Algérie, le Festival de la BD de Casablanca, le Mboa BD au Cameroun, le Bilili BD au Congo par exemple).
Bien que la qualité de la production des auteurs soit un élément-clé pour le développement de l’industrie de la BD, cela ne garantit pas l’attrait du public quand ce dernier n’est déjà pas au fait de ce qui est produit. Mais force est de constater par un aperçu du marché local que cette distribution est encore embryonnaire et cela freine son éclosion en tant qu’art et média à part entière. D’après Raphael Thierry qui a mené une étude sur le sujet au Cameroun « La diffusion qui consiste dans le traitement intellectuel des stocks n’est pas encore une activité très développée au Cameroun, on trouve par ailleurs quelques distributeurs dont le principal se trouve être Messapresse, Passerelle et Aceda participent notamment à cette activité, mais il faut noter que pour de nombreux éditeurs, la majorité des ventes au Cameroun tient plus du porte à porte que de véritable contrats de diffusion/distribution ». Il faut donc mettre en place un circuit de distribution professionnel car l’élément fondamental pour l’éclosion d’un art existe et c’est la demande.
Faute de mieux, le système D…
Face aux difficultés à se faire éditer, les artistes locaux multiplient les initiatives : Lancement de magazines, création d’associations, et expositions se succèdent tant bien que mal. D’autres encore tentent de trouver leur voie à l’étranger, en Europe ou dans d’autres pays d’Afrique. La diffusion et la promotion des bandes dessinées camerounaises passent souvent par des collectifs de bédéistes circulant dans le monde entier pour promouvoir les catalogues camerounais. Ceux-ci tentent également, par différents moyens, d’être présents lors des grandes manifestations internationales. Les éditions spécialisées dans la BD n’existant pas sur le territoire national, quelques-unes implantées en Europe ou ailleurs en Afrique, essayent de publier ponctuellement des albums.
Dans cette lancée, Le festival MBOA BD, à l’initiative du Collectif A3 (association constituée d’une équipe de dynamiques et talentueux artistes de bande dessinée, graphistes et scénaristes camerounais) a connu sa première édition en novembre 2010. De cette première édition, jusqu’à la dernière en date qui a débuté le 16 Décembre 2020, le festival a tenu et continue de tenir ses promesses.
Du reste, malgré un accroissement significatif de la présence de la bande dessinée dans le paysage culturel national, il serait salvateur de mettre en réseau les lieux accueillant des expositions et produisant des activités liées au 9ème art, d’assurer la professionnalisation des libraires et de mener des opérations de valorisation dont elle doit faire l’objet. En outre, les éditeurs alternatifs et indépendants tels que Waanda Stoudio, méritent une attention particulière de la part des forces qui opèrent dans la sphère culturelle et médiatique compte tenu des difficultés de diffusion et de visibilité qu’ils rencontrent.
En définitive, toutes les difficultés suscitées n’empêchent pas le neuvième art qu’est la Bande Dessinée de connaître un certain développement en Afrique en général et au Cameroun en particulier.
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